MARIAGE CONGOLAIS : Entre traditions et modernités

MARIAGE CONGOLAIS
ENTRE TRADITIONS ET MODERNITÉS

Des effluves de saka saka ou poulet à la moambe s’échappent des cuisines, des airs de rumba congolaise envahissent le salon, les femmes ont sorti leur plus beau pagne, les familles se sont mises sur leur 31, le trac envahit un jeune homme sur lequel tous les yeux sont braqués…
C’est l’un des plus importants moments de votre vie de couple : le mariage traditionnel et sa fameuse dot.
Bien sûr, les modalités diffèrent selon les ethnies, voire les classes sociales des familles concernées. Cependant, nous pouvons citer les rituels effectués chez les Kongo du Congo (source : Congo Pluriel) pour se faire une idée précise d’une union respectant à la lettre la coutume.
Ainsi, la fiesta se découpe en trois étapes :

1er VIN « MA LAVU MA NTETE »: Bu kué monika. PRÉSENTATION.
Cette cérémonie a pour finalité d’officialiser les relations. Cela permet à l’homme d’être reconnu comme futur gendre.

2e VIN « MA LAVU MA NZOLE »: Bu ta makangu. FIANÇAILLES.
A l’issue de la cérémonie, l’homme et la femme deviennent des « makangus » (fiancés).

LA DOT : 3e VIN « MAKUELA, MA LAVU MA NTATU »
La cérémonie du versement de la dot est réellement celle qui porte le nom de MARIAGE, « MAKUELA ». C’est ça le mariage traditionnel chez les Kongo.
Bu kuéla nkento. La femme devient nkento a ku. C’est le mariage. C’est la fin, la dernière étape qui conclut et scelle les liens de
mariage. Vous devenez mari et femme, époux et épouse, « nkento na bakala ». L’homme peut à ce moment se permettre de désigner
sa femme par nkento ani. Mais pas avant.

Tout au long de ces étapes, c’est une gigantesque besace de Père Noel que le marié devra présenter à la famille maternelle et paternelle de sa promise. Entre autres casiers de bières, jus, whisky, vins de palme, costumes, noix de cola, pagnes, viandes… Viennent s’ajouter d’éventuelles amendes pécuniaires :
– Amende pour cohabitation avant le mariage traditionnel :
50 000 FCFA.
– Amende pour avoir fait des enfants avant le mariage traditionnel : 50 000 FCFA.
– Amende si vous arrivez en retard à la cérémonie par rapport à l’heure que vous avez donnée dans votre courrier : 50 000 FCFA.
Dans tout ce besogneux listing, difficile d’y voir clair. La modernisation se faisant, les dérives autour de la dot se multipliant, la loi est venue régir cette pratique coutumière.
Ainsi, au Congo Brazzaville, la dot est-elle légalement plafonnée à 50000 FCFA, selon l’article 140 du Code de la Famille.
Le nombre de couples en concubinage et de jeunes filles célibataires pour cause de dot trop salée étant en constante augmentation, les uns et les autres s’interrogent sur la pertinence du processus. La dot est avant tout un geste pour montrer à la famille de la mariée la capacité de l’homme à prendre soin de leur princesse, et les remercier d’en avoir fait la femme qu’elle est devenue. Mais cela doit-il devenir un braquage en bande organisée ? Car c’est malheureusement ainsi qu’elle est perçue par un nombre croissants de jeunes prétendants, découragés par les sommes de plus en plus exubérantes exigées par certaines familles.
Les 50000 FCFA passent bien vite aux oubliettes, et parfois 20 à 30 fois le montant de ce barème légal est exigé…
Ce qui au vu du salaire médiant congolais peut paraitre mirobolant. « C’est comme si les parents de mon ex-fiancée avaient voulu m’amputer. Le père n’a qu’à épouser sa fille si c’est comme ça ! » nous rétorque Yvan, un jeune Brazzavillois, au détour d’un témoignage épique sur les conditions de sa demande en mariage, qu’il aura finalement abandonné – surtout par fierté, de sa propre confession.
Dans la diaspora, le mariage traditionnel n’est pas aussi exhaustif qu’au pays (qu’au village, serions-nous même tenter de préciser). Tout d’abord, parce que les mariages mixtes sont légion et que les familles de la mariée assouplissent généralement les demandes provenant des non-Congolais. Même lors de mariages inter-congolais, la dot relève plus souvent de la symbolique que d’une obligation financière épicée.

17880468_10212923812159982_6761876014355710525_o

Naomi Massengo, responsable développement dans un bureau de presse parisien, mariée depuis un an avec le célèbre photographe ivoirien Pata Papara, nous conte son mariage traditionnel :

« Lorsque mon mari m’a demandée en mariage, je lui ai confié mon souhait le plus cher : me marier dans le respect de nos traditions et de nos valeurs ancestrales africaines. Et par la même occasion, mêler nos différences culturelles ; Après tout c’est L’Afrique subsaharienne, ça ne devrait pas être si différent.
À ma grande surprise c’était très différent ! Le premier obstacle a été : la religion. Ma famille, à majorité catholique et de l’autre côté sa famille musulmane pratiquante, ce qui voulait déjà dire que l’alcool allait être à bannir de toutes célébrations ! Or, au Congo, l’alcool a son importance dans le mariage traditionnel, plus communément appelé la dot. Et on ne dote pas une congolaise « Lari » sans un bon whisky d’âge et des packs de bières…
Je me suis alors confiée à ma mère et, heureuse d’organiser mon mariage, elle était prête à faire des compromis. La dote s’est donc articulée autour de pagnes super wax, bazins riches, chaussures, ensemble de lingerie, boissons non alcoolisées, et bien sûr ce que les familles des mariées adorent : une certaine somme d’argent, rien de bien scandaleux, c’est symbolique.
Nos familles ont accepté notre union et l’ont célébré jusqu’au bout de la nuit. Comité réduit et beaucoup d’amour, le combo parfait pour un mariage sincère. Je souhaite à toute femme de vivre ça un jour. Un mariage traditionnel c’est beaucoup plus qu’un mariage civil, pour une femme, il relève de rendre hommage à sa mère et l’honorer afin de la rendre fière. »

Édition ROOTS n°20 – Spécial Kongo
Par Emmanuel Ngeleka pour TamTam Blog

Tags

#congo