LES GNAWAS DU MAROC : Confrérie métisse

Une assemblée. Des chants de femmes s’élèvent, accompagnés par des percussions. Accélération. But de l’opération : trouver une conciliation entre l’esprit et la personne possédée. Au Maroc, les Gnawas sont mâalem (maîtres musiciens), des instrumentistes (qraqech ou guenbri), des voyantes (chouafat). Les personnes réunies -arusa- autour de celles qui se révèlent être des guérisseuses assistent à la lila au Maroc. Zar en Égypte, Stambali en Libye ou en Tunisie, Diwan en Algérie ou simplement Gnawa au Maroc, ces terres africaines ont été ou sont le lieu de résidence des Gnaouas. Le nom même donné à la confrérie porte en lui-même les traces du lien entre les Noirs et les Arabes du continent africain. Gnawi est souvent traduit par Guinée, selon l’analogie phonétique relevée par Georges Delafosse au début du vingtième siècle. Des historiens et autres spécialistes ont préféré faire le lien avec l’Empire du Ghana. De 667 à 670, l’islamisation de l’Afrique du Nord contribue à établir les premiers contacts entre la Côte d’Or et les dirigeants du monde arabe d’alors. Des contingents d’esclaves noirs vont être amenés au Maghreb et utilisés dans l’armée pour fermer la marche au rythme des tambours ganga. Ils ont fini par s’appeler ainsi. Les Gnawas, dont on peut supposer que le terme ganga est une déformation sont des descendants d’esclaves. La confrérie soufie, courant de l’islam est réputée pour ses pratiques ancestrales, qui mêlent différents éléments d’aires culturelles diverses. Des croyances qui font partie de l’islam, comme les djinns, génies, entités surnaturelles mentionnés dans le Saint Coran, ou dans l’animisme. Le rite de possession des Gnawas du Maroc, -l’adorcisme- montre la présence très grande de l’apport africain. Ainsi, l’une des langues privilégiées de la lila est le bambara. Ces pratiques thérapeutiques qui convoquent la danse et le chant sont perçues de manière ambivalente, entre respect et peur des forces occultes et apparent mépris. D’Essaouira, où le festival de musiques rend hommage à leur art en passant par Grenoble, où sévit le groupe Gnawa Diffusion, l’esprit soufi de la confrérie n’en finit plus de souffler.

Par Dolorès Bakela

Édition : ROOTS n°8

Tags

#maroc #roots