LEOPOLD SEDAR SENGHOR : L’Orphée noir

« La poésie a perdu un maître, le Sénégal un homme d’État, l’Afrique un visionnaire et la France un ami. » Jacques Chirac

Sortir un ROOTS spécial Sénégal-Gambie sans parler du poète Léopold Sédar Senghor serait une infamie.
On ne le présente plus, c’est un poète, écrivain, humaniste, premier Président du Sénégal et premier Africain élu à l’Académie Française. Quel Noir n’a jamais rêvé en voyant son parcours brillant, dire à la manière d’ un victor Hugo : « Je veux être Leopold Sedar Senghor ou rien. »  Finalement, le concept de la Négritude de Senghor et celui de ROOTS se rejoignent : parler de l’Afrique, célébrer ses traditions et chanter ses beautés. Raisonnent encore dans nos têtes le « Tamtam sculpté Tamtam tendu » du poème Femme Nue Femme Noire, les vers de Liminaire témoignant de son engagement : « Je déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France. » ou encore son recueil Ethiopiques aux sonorités africaines. Sa poésie, souvent symboliste, s’inspire du chant incantatoire dont les mots et les rythmes se lient au corps et à la pensée.

Un Crédo : « La Négritude »

En 1934, Senghor fonde avec Aimé Césaire et Léon Damas, la revue L’Etudiant Noir dans laquelle il développe le concept de Négritude.

« Ma Négritude point n’est sommeil de la race mais

soleil de l’âme, ma négritude vue et vie

Ma Négritude est truelle à la main, est lance au poing

Réécade. Il n’est question de boire, de manger l’instant qui passe

Tant pis si je m’attendris sur les roses du Cap-Vert !

Ma tâche est d ‘éveiller mon peuple aux futurs flamboyants

Ma joie de créer des images pour le nourrir, ô lumières rythmées de la Parole ! »

Senghor définit la Négritude comme l’ensemble des valeurs culturelles de l’Afrique. C’est l’union des valeurs économiques, politiques, intellectuelles, morales, artistiques et sociales des peuples d’Afrique et des minorités noires d’Amérique, d’Asie, d’Europe et d’Océanie. 1930 est une année charnière pour le poète, puisqu’il publie Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, une anthologie précédée par une préface de Jean-Paul Sartre intitulée « Orphée Noir » où le concept de négritude éclate et surtout l’idée que l’Afrique n’a jamais été dépourvue de culture et littérature comme l’ont laissé entendre les théoriciens de la colonisation.

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Senghor, le président poète

Il est élu premier Président de la République du Sénégal, le 5 septembre 1960, ce qui fait de lui un vrai pionnier. Son action politique a été en faveur de la décolonisation. Il sera élu cinq fois au suffrage universel, réintroduira le multipartisme et organisera des élections régulières.
Il quitte le pouvoir volontairement (ce qui n’est pas anodin en Afrique) en 1980 et passe le relais à Abdou Diouf, il a alors 74 ans. Il aura contribué à faire du Sénégal l’une des plus grandes démocraties de l’Afrique francophone. Le chantre de la Négritude décède à l’âge de 95 ans dans sa maison, en Normandie. En France, on retiendra les paroles de Jacques Chirac prononcées à l’église de Saint-Germain-des-Prés le 29 Janvier 2002 : « La poésie a perdu un maître, le Sénégal un homme d’État, l’Afrique un visionnaire et la France un ami. »

Par Fidievna Melouni Nkoulou

Édition ROOTS n°22 – Spécial Djolof