L’EMPIRE GHANA : Histoire d’une grandeur passée

Débarrassons-nous immédiatement des quiproquos : le Royaume du Ghana n’a aucun lien (si ce n’est le nom) avec le Ghana actuel. À vrai dire, cet empire médiéval, fondé aux alentours du IVe siècle, recouvrait en fait les aires géographiques de quatre pays contemporains situés plus au nord : Le Mali, le Sénégal, la Mauritanie et la Guinée.

Fort de son commerce en or, son rayonnement et sa puissance nous sont parvenus notamment grâce à la tradition orale mais aussi aux écrits de plusieurs géographes arabes . Al-Bakri par exemple, qui écrit vers 1068, nous informe que le roi au pouvoir depuis 1062 se nomme Tankâminîn, celui-ci règne sur le pays de l’Awkar et son titre royal est « Ghana ». L’auteur souligne par ailleurs le fait que ce souverain a succédé à son oncle maternel, ce qui nous permet de rappeler que la filiation utérine était une chose courante à l’époque en Afrique subsaharienne (en effet, le roi a toujours pour héritier le fils de sa soeur; car l’on ne peut prouver que le fils de la reine soit bien celui du roi, mais l’on ne peut douter que le neveu du roi soit bien l’enfant de sa soeur). En ce qui concerne la justice, le roi donne régulièrement des audiences devant ses sujets qui, en signe de respect, se prosternent au sol et se recouvrent la tête de poussière. Les séances sont ouvertes par le son des tambours, mais si l’un des accusés est reconnu coupable, c’est en prison qu’il finit et personne n’entend plus jamais parler de lui…

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Par ailleurs, la capitale se compose de deux villes séparées par plusieurs kilomètres : la première, entourée d’un mur de ceinture, abrite le palais royal et de nombreuses habitations faites de pierres et de bois d’acacia, chacunes recouvertes par des toits arrondis.
En périphérie, on trouve quelques bosquets interdits aux visiteurs gardés par des hommes armés. C’est en ces lieux sacrés, que la « religion des mages » (appelée aussi l’animisme) et les différents cultes destinés aux idoles et aux tombeaux des rois sont pratiqués.

La seconde ville, vraisemblablement destinée à une communauté musulmane nombreuse, est pourvue de douze mosquées qui, tous les vendredis, donnent le rythme de la prière. Elles disposent chacune d’un imam et d’un muezzin, signe que l’islam et son enseignement y sont fortement répandus. De plus, cette localité est dotée de plusieurs puits qui offrent à la population un accès à l’eau et permettent ainsi de cultiver des légumes variés.

Mais ce curieux équilibre est bousculé quelques décennies plus tard par l‘avancée des Almoravides venus du nord. Ce peuple berbère, adepte de la branche musulmane du kharidjisme, parvient à écraser les quelques 200 000 guerriers de l’Empire du Ghana.

Un siècle plus tard, «la plus grande des cités des Sûdan» (sous entendu des peuples noirs) a été déplacée et se trouve désormais à cheval entre deux rives. Cela nous est rapporté par les écrits d’Al-Idrissi qui affirme que le nom de cette nouvelle ville est Ghana. Le palais royal qui a été construit vers 1116 est solidement bâti, son intérieur est orné de diverses sculptures et peintures qui enchantent les nombreux visiteurs. Mais de toutes les curiosités exposées, la plus renommée est une pépite d’or de 30 livres que l’on attache parfois sur le cheval du roi. Ce souverain vêtu de soie, parade deux fois par jour dans sa ville afin de réparer les injustices commises par ses officiers. Parfois, lors de sorties officielles, il est accompagné par la marche spectaculaire d’animaux gigantesques tels que des girafes ou des éléphants.

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L’auteur nous apprend également que le roi est musulman; en ce sens, ce haut lieu du commerce est vu par les marchands arabes comme une place où leur est garanti un droit équitable, ce qui permet d’affirmer d’avantage l’influence du royaume à cette époque.

De nos jours, les localisations exactes de ces deux villes nous sont encore inconnues; plusieurs campagnes de recherches archéologiques ont permis de reconnaître sur le site de Koumbi Saleh (dans le sud de la Mauritanie) la ville décrite par Al-Bakri, mais les avis des spécialistes divergent toujours. Il n’en reste pas moins que le royaume du Ghana demeure, dans la mémoire collective, comme étant l’une des puissances subsahariennes les plus visibles de l’époque médiévale. Et c’est en ce sens, qu’au moment des indépendances, l’ex colonie britannique (Gold Coast) s’est emparée de son nom.

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Par Tamandra Geny

Édition : ROOTS n°16