LE BACHELOR : La sape, comment passer du folklore à l’industrie ?

Contrôle d’identité stp ?
Congolais de Brazzaville je suis, Congolais de Brazzaville je resterai, mais la vie a fait que je suis devenu Franco-Congolais aujourd’hui. Je défends le Congo par mes modestes créations et ma modeste visibilité sur l’échiquier parisien.

Vous êtes l’un des rares à avoir fait de la sape un business. Quelle a été votre motivation ?
La sape pourrait constituer un bassin d’emplois énorme pour les Congolais, sauf que dans mon pays, on n’a pas choisi de visiter ce versant là. On a malheureusement choisi le versant le plus niais pour la sape, à la savoir « la sape pour la sape ». « La sape pour la sape » ne peut pas parler au Bachelor que je suis. J’ai lancé ma marque Connivences en 98, avec une boutique sur la place de Paris, j’ai été cité dans tous les magazines du monde, et notamment français, qui parlent de la mode : Dandy, Monsieur, le city guide de Louis Vuitton, j’étais visible au musée du Luxembourg jusqu’au 4 janvier avec une expo sur la sape, je sors de Genève avec la fashion week, je suis l’égérie de Canal+ pour l’Afrique, anciennement égérie de la compagnie Écair, cette année je serai invité à Brooklyn pour parler de la sape, etc. Tout cela pour dire que je me suis battu pour en faire un business.
Nous, le Congo, pays par excellence de la sape, n’avons vu émerger aucun entrepreneur dans ce domaine… quel paradoxe !
Ne pas en parler serait de la non-assistance à jeunesse en danger. Partout où je vais, on me demande : « pourquoi ne confectionnez-vous pas vos produits au Congo ? Ne serait-ce que des petites pièces ». J’ai des partenaires turcs, italiens, qui sont à la recherche de marchés, qui veulent bien venir au Congo. Aujourd’hui, je pourrais être fier de la sape si cela constituait un vrai secteur économique au Congo, mais ce n’est pas le cas. La sape, vue par l’intelligencia congolaise, a toujours été un phénomène mineur. Autant, on pouvait s’enorgueillir de notre amour pour la sape, mais jamais personne ne s’est penché sur son côté économique. Pour l’anecdote, le 1er mai 2016, j’ai quitté Paris pour assister aux obsèques de Papa Wemba. Il avait toujours cru en une sape panafricaine. Il me disait toujours : « mon petit frère, il faut que tu viennes t’installer à Kinshasa, à Abidjan, à Dakar ». Même lui, à sa modeste place de musicien, avait déjà vu l’intérêt d’un développement d’une sape économique. On est élégant de Brazzaville à Kinshasa mais, aujourd’hui, combien vivent de l’export d’une production vestimentaire locale ? Zéro. Le business de la sape au Congo est vide. Nous sommes uniquement dans les apparats !

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Quelles sont vos actions pour essayer de faire émerger la sape ?
On est en train de créer, dans quelques mois, le premier portail mondial de la sape. Dans tout ce qu’elle a de culturel et d’économique, ce sera une vitrine internationale. Alain Mabanckou, Vincent Perez, Antoine de Caunes… Autant de personnalités qui nous apportent leur appui sur ce projet, en qualité de futurs éditorialistes. Vous savez, il est vital que des Africains portent de tels projets. Il y a eu Congo Kitoko avec la fondation Cartier, l’exposition au Palais de Tokyo… les évènements sont nombreux mais portés quasi uniquement par des Occidentaux. Il est temps que nous fassions bouger cela ! Mais tout n’est pas à jeter, il y a des gens qui se bougent pour promouvoir la sape dans leurs différents pays africains. Par exemple, il y a eu un mois de la sape, au Kénya. On peut également citer la RDC. Il y a eu un foisement autour de la sape, avec la mort du grand frère Stervos Niarcos (une figure de la sape congolaise décédée en 1995). Les Zaïrois sont actuellement en train de réclamer que le jour de son décès soit décrété comme la journée de la sape dans le monde. Toute cette dynamique vise à tirer la sape vers le haut.

“Mon rêve est que Brazzaville devienne la capitale africaine de la mode, avec un maillage de petites entreprises
de fabrication.”

Vous parliez de Papa Wemba, cette édition lui rend hommage. Quel a été son impact dans la sape ?
Papa Wemba a sorti la sape des ornières où elle était. Il a ramené la sape à la rumba et elles sont aujourd’hui indissociables. Papa Wemba a vulgarisé la sape dans le monde entier. Aujourd’hui, des personnalités comme Alain Mabanckou ou moi-même, nous suivons les traces de Papa Wemba. Il m’avait dit que son rêve serait que j’installe une boutique Connivences à Kinshasa, et j’espère un jour l’honorer.

Édition ROOTS spéciale Kongo

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