KRYS, les rêves d’un producteur visionnaire

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?

Moi c’est Krys, je suis un artiste Guadeloupéen, j’ai commencé la musique à l’âge de 15 ans, dans les années 2000. Je suis influencé principalement par la musique jamaïquaine avec une passion pour le hip-hop et la musique africaine. J’en suis aujourd’hui à mon 5ème album officiel. J’ai fait pas mal de choses, des albums en indé, des albums en major, chez Universal notamment, des concerts à l’Olympia, au Zénith… J’ai fêté mes 10 ans de carrière l’année dernière en 2015. J’ai également monté une production depuis 5 années, avec entre autres Colonel Reyel, avec qui on a marqué l’histoire puisque c’est la première fois qu’un jeune producteur antillais et qu’un artiste comme lui aux orientations un peu dance hall – tropicales vendaient autant d’albums : double platine avec plus de 250 000 albums vendus !

En revenant sur ton parcours, on s’aperçoit que tu as un cursus scolaire assez poussé avec des études en école de commerce. Comment as-tu jonglé entre tes études et la musique ? 

Je viens d’un quartier sensible de Pointe-à-pitre en Guadeloupe et j’ai toujours perçu les études et l’éducation comme étant une chance. Pour moi, même quand j’ai commencé à être connu grâce à ma musique, il n’a jamais été question de laisser tomber les études. Je crois aussi que j’ai eu la chance d’être bien orienté. La musique est ma passion, certes, mais ce que j’étudiais m’intéressait réellement : tout ce qui touche au management, l’entreprenariat,  le fait de partir d’une feuille blanche et de monter des projets…

Dans ton parcours as-tu eu des mentors, des modèles de réussite qui ont fait de toi celui que tu es aujourd’hui ?  

Trop peu. C’est pour cela que je suis aujourd’hui très actif dans le domaine associatif, notamment chez moi en Guadeloupe où j’ai monté une association qui s’appelle ”Destination réussite” à travers laquelle j’organise des rencontres entre des entrepreneurs et des jeunes parce que je pense justement que beaucoup manquent de repères. Au niveau des labels de production, il y a très peu de structures aux Antilles qui permettent aux artistes de s’exprimer et de se développer de façon professionnelle, d’où ma démarche de monter mon propre label de production.

Tu as fêté tes 10 ans de carrière… 

Effectivement, avec un nouveau projet sorti le 10 juin dernier : 7K. Il s’agit de 7 titres inédits, 7 sons de Krys, 7 concepts inédits. On n’est pas obligé de s’adresser au public uniquement avec un album ou un single, j’étais entre les 2.

Les fans de la première heure s’y retrouvent ? 

Les fans de la première heure s’y retrouvent, mais pas uniquement. Je m’ouvre à un nouveau public. J’avoue que cet album est orienté très caribéen puisque j’ai des featurings avec des artistes de Saint-Martin, de Sainte-Lucie… Mais j’ai aussi un titre afro avec des lyrics en créole, qui s’appelle « Nou allé ».

Selon toi, quel est le secret de la longévité ? 

Je pense que c’est une grande passion pour la musique, qui va au delà des coups durs ou de la difficulté du métier. Cet amour pour la musique est toujours présent, me permet de continuer à écrire, de continuer à créer, de continuer à prendre du plaisir à être en studio, sur scène, peu importe ce qui se passe aux alentours. Et je pense que la longévité est due aussi au travail bien sûr parce que le talent sans travail, c’est comme une très belle voiture sans moteur.

Qu’est-ce qui pour toi fait la “touche Krys” ? Qu’est-ce qui te démarque de l’ensemble de la scène caribéenne ? 

C’est une question un peu difficile, je pense que le public saura mieux le dire que moi. Mais je pense qu’au niveau de ma plume, je me démarque parce que j’ai une façon d’écrire assez particulière, toujours un peu d’humour, beaucoup d’images. J’ai aussi dans mes chansons quelques repères, par exemple j’aime bien utiliser des prénoms ou encore trouver des concepts, faire des chansons qui sont plus orientées sur la danse. Je considère aussi que l’aspect entertainment et divertissement dans la musique est une partie tout à fait noble de notre métier. La vie est tellement difficile de nos jours que les artistes qui arrivent à faire sourire les gens, s’amuser, danser, se défouler, ont un rôle majeur. Cela fait partie de mon ADN.

En 10 ans de carrière, quel est jusqu’à présent ton plus beau souvenir en tant qu’artiste ? 

J’en ai 2 qui me viennent à l’esprit, là tout de suite. Le premier est mon Olympia en 2006, où j’ai été le premier artiste dance hall antillais à y faire un concert, qui plus est à guichet fermé. Le second est aussi un concert, en juillet 2011 en Guadeloupe, dans un stade nommé “Les Abîmes” où il y avait plus de 10 000 personnes ! C’était un moment de communion avec les gens, j’avais vécu tellement de choses entre temps (des hauts et des bas) que retrouver mon public et voir toute cette liesse populaire autour de ma musique m’a marqué. Cela m’a donné beaucoup de force pour la suite.

Si je te donne une baguette magique avec l’opportunité de faire un featuring avec n’importe quel artiste anglophone et francophone vivants…

C’est une question difficile parce qu’il y a beaucoup d’artistes que j’apprécie. J’aimerais bien chanter avec Wizkid pour la partie anglophone et Selah Sue pour la partie francophone.

Hormis l’album 7K qui est sorti, quels sont tes projets à court et moyen termes ? 

Je vais présenter justement un concert suite à la sortie de 7K puis je suis en concert à Paris le 22 octobre à la salle Les Étoiles. Il s’agit d’une nouvelle salle avec une superbe acoustique. Je suis également en train de travailler sur un featuring avec Serge Beynaud qui arrive bientôt.  Au niveau de la production, j’ai Colonel Reyel qui fait son come-back, c’est l’un de mes grands projets pour le moment à court terme.

Quel serait ton projet à long terme ? Ta vision de la musique caribéenne …

Mon rêve est de créer une major noire parce qu’à la fois en tant qu’artiste et producteur, j’ai fait le constat amer que nous ne sommes pas structurés. Prenons les artistes antillais, tout à l’heure nous parlions du manque de visibilité, mais le problème est encore plus large que cela. C’est toujours le même schéma qui se répète : un artiste antillais, qui fait l’unanimité dans toute la communauté, cartonne, on le récupère, on le signe, on le saigne pendant un été et après on le jette. Nous avons tous vécu cela. Princess Lover, Slaï, Medhy Custos, Perle Lama… C’est toujours la même histoire. Je pense que s’il y avait un label black – pas forcément avec des gens uniquement noirs à l’intérieur mais au moins des gens qui comprennent notre culture, qui respectent notre musique – alors à ce moment-là, nous pourrions faire du suivi d’artistes, construire des carrières, avoir des stars qui auraient justement la visibilité qu’elles méritent. Voici mon rêve. Tout comme Warner, Sony, Universal ou même des indé comme Play On ou Wagram qui sont des labels indépendants avec une liberté de pouvoir s’adresser directement à des médias mainstream comme NRJ, Skyrock et ainsi soutenir nos artistes. Je peux donner un exemple très concret, qui ne me laisse pas de rancœur mais de l’amertume, celui de Colonel Reyel. Il avait explosé le score lors de la sortie de son 1er album avec plus de 250 000 exemplaires écoulés, mieux que Johnny Hallyday la même année de sortie de son album. Du jamais vu pour un artiste caribéen. Ensuite, il sort un 2ème album, le premier single ne prend pas et la maison de disque décide d’arrêter net d’investir ! Quand vous avez un artiste qui a vendu 250 000 albums et que le premier single de l’album suivant ne prend pas, on continue l’investissement, pas pour les beaux yeux de l’artiste mais simplement parce qu’en terme de business il constitue un réel potentiel et qu’au premier coup dur, on ne va pas le jeter. Le problème avec les gens qui gèrent la musique en France est qu’ils n’en ont rien à faire de notre musique ou de notre culture. C’est un discours du genre: « c’est bon pour l’été », mais il n’y a pas réellement de respect pour notre travail. Résultat, dès que l’artiste flanche ou devient un peu moins rentable, on jette…

Si je te dis le mot “Roots”, tu penses à quoi ? 

C’est le mot « négritude » qui me vient à l’esprit.