KERY JAMES : sa bourse de réussite pour les jeunes de quartier

Tu as lancé une association qui offre une bourse d’excellence à des élèves de quartiers défavorisés Quelle motivation a motivé une telle démarche ?
L’éducation est le nerf de la guerre. C’est le moyen le plus efficace de parvenir à une réussite économique et sociale. Bien sûr, la réussite ne peut pas être qu’économique, car cela dépend des objectifs de chacun. L’essentiel est d’être le moins malheureux possible, mais quand on veut accéder à un métier, que l’on n’a pas envie de subir toute sa vie, je pense que les études sont le moyen le plus efficace. J’essaie donc de mettre en avant l’éducation et de pousser nos jeunes frères à aller le plus loin possible.

L’ex-femme de Mohamed Ali, t’accompagne dans cette aventure. Comment s’est passée votre rencontre ?
Grâce à un jeune du 94, qui s’appelle justement aussi Moha-med Ali qui avait réalisé il y a quelques années un documentaire sur le boxeur pendant qu’il était encore vivant. Il s’agissait d’un hommage vivant pour lui donner de la force pendant sa maladie. Il leur a fait parvenir ce montage. La famille a été très touchée par le geste, ils l’ont fait venir aux États-Unis pour le remercier et de là, il a rencontré l’ex-femme de Mohamed Ali, Khalilah. Un lien s’est noué, ce jeune du 94 a fait la liaison et Khalilah s’est ralliée à notre cause quelques années plus tard. C’est aujourd’hui un honneur de pouvoir être aux côtés de cette femme engagée sur scène, pour défendre mes idéaux.

Décris-nous le concept de cette tournée organisée autour de cette bourse
L’année dernière, j’ai entamé une tournée acoustique. Au cours de cette tournée, je reversais une partie des recettes à un jeune de la ville où je me produisais. On a fait une dizaine de dates et celle-ci [date après laquelle nous avons interviewé Kery James] est hors tournée, mais Layone a essayé de la monter depuis longtemps et nous avons voulu la respecter, même si elle était à 2 jours du Zénith.

Quels sont les critères pour la sélection du lauréat de la bourse ? Et quel est le suivi pour être sûr que cela et réellement impactant ?
On essaie de mettre en avant des parcours d’excellence, mais aussi pour des jeunes qui ont un parcours de « combattant », qui n’avaient pas de capacités extraordinaires au départ mais qui se sont battus. On essaie de les encourager. Mais nous sommes bien sûr très vigilants sur le suivi de l’argent dépensé. On le donne avec des justificatifs, on paie directement les écoles ou le matériel dont ils ont besoin. Et ensuite, on se tient régulièrement informé de leur évolution, chaque lauréat a mon numéro de téléphone et peut me joindre à tout moment.

Ne trouves-tu pas anormal que ce soit un rappeur, donc un citoyen lambda au final, qui mène ce genre de combat, alors qu’on pourrait s’attendre à ce que ce soit porté à un niveau plus étatique ?
Comme je le dis dans le morceau Racailles, je ne crois plus aux politiciens, je crois au réveil citoyen. Je n’attends pas de l’Etat qu’il fasse les choses à ma place. De plus, je pense que l’Etat ne peut pas tout faire, quand bien même il le voudrait. Je ne compte pas du tout sur eux, je trouve même cela normal que chaque citoyen essaye d’apporter sa pierre à l’édifice.

Souhaites-tu te servir de tes relations pour fédérer d’autres artistes autour de ta cause pour amplifier le phénomène ?
Effectivement, je pense que ce combat a plusieurs axes, et j’essaie de mobiliser au plus large, pas forcément que les rappeurs de mon entourage d’ailleurs. Tous ceux qui viennent d’un milieu social difficile et qui ont connu une réussite économique se rendent compte que c’est aussi à eux de se retourner vers les gens qui leur ressemblent, qui ont eu les mêmes difficultés qu’eux, pour les aider à leur tour. Je ne pourrais pas tous les citer mais il y a eu beaucoup de monde impliqué de près ou de loin dans cette aventure : Omar Sy nous a aidés dès le début, Florent Malouda également, Grand Corps Malade nous a aidés à Saint-Denis, ville dont il est originaire, MC Solaar à Villeneuve-Saint-Georges dont il est issu, Lilian Thuram, Claudy Siar…

Tu te produis au théâtre en janvier…
J’ai écrit un scénario de long métrage et de ce scénario, j’en ai extrait une pièce de théâtre mettant en scène 2 élèves avocats qui arrivent en finale de ce qu’on appelle la « petite conférence», qui est un concours d’éloquence. Et la question qui leur est posée, sur laquelle ils doivent débattre est : «l’Etat est-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues en France?». Le jeune noir que j’interprète, et qui vient de la banlieue, répond non et il argumente. Et le comédien blanc, Yannick Landrin, qui me fait face, et qui vient des quartiers aisés, fustige l’Etat et c’est une joute verbale entre les deux avocats.

Un projet de film est donc dans la boîte ?
L’idée était de se dire que cela n’a pas de sens de refaire un album pour faire un album, sans qu’il ne soit suivi d’un long métrage. Nous avons donc décidé de faire un long métrage sur l’histoire de la Mafia K’1 Fry, dans l’esprit de NWA ou du film sur 2Pac.

Si je te dis “Roots”, cela t’évoque quoi ?
Le mot ROOTS m’évoque les racines, mais aussi la dureté !

Édition : n°18

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