KANAKS : Une vie rythmée par l’igname

Le peuple Kanak perpétue une culture et des mœurs nées il y a près de 4000 ans. Les Kanak représentent 44% de la population néocalédonienne et font vivre, à travers le temps, les us et coutumes de leurs ancêtres « hommes libres » mélanésiens. La culture kanak se véhicule de génération en génération en pas moins de 28 langues kanak, parmi elles le drehu, le nengone, le paicî ou encore l’ajië. Et s’il fallait citer le véritable symbole de la culture kanak ce serait la case. Oui, comme la première pièce d’une poupée russe d’architecture et de tradition, la case est le berceau de l’organisation de ce peuple. Elle est faite de matériaux végétaux en peau de niaouli, de pandanus ou encore de cocotier, de liane et de paille. C’est à l’intérieur des cases que les Kanak mettent en pratique la coutume. Celle-ci passe par un ensemble de règles et de rituels entre clans regroupés autour de l’autorité d’une chefferie très hiérarchisée. Ils dansent  le kanaka, l’ayoii mais surtout le pilou au rythme des bambous. Et au-delà des valeurs et de l’atmosphère protocolaire, c’est aussi par les richesses naturelles que les Kanak scellent leurs alliances, comme l’igname, base de tout échange. L’igname est à la fois l’élément de base de leur alimentation, l’emblème de leur identité et son cycle de la plantation à la récolte représente le calendrier kanak. C’est à l’occasion de sa récolte, de février à avril, qu’ont  lieu les Fêtes de l’Igname que célèbrent les  341 tribus de la Nouvelle-Calédonie. L’igname est préparée et placée au centre de la case. Les mets sont transportés d’une main à l’autre dans des  paniers de feuilles tressées. Parmi les plats, on retrouve le bougna, le plat traditionnel kanak  à base de viande (bœuf, poulet, roussettes), d’igname et de coco râpé ou de lait de coco regroupés dans des feuilles de bananiers, le tout ficelé dans des feuilles de cocotier. Pendant que les femmes préparent le bougna, les hommes préparent la braise sur laquelle va être mis le paquet  qui sera ensuite recouvert de pierres chaudes et de terre. C’est la méthode du four kanak.

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Et puis, au-delà de la féérie, avec l’histoire des totems, arbres sacrés recueillant les esprits des ancêtres, le retour à la réalité est un peu plus houleux. Quand on connait tous les combats que mènent les Kanak afin de faire perdurer leurs traditions, on renoue alors avec la lourde histoire de la colonisation, de la prédomination occidentale et de la quête d’un peuple pour la reconnaissance. C’est uniquement à partir des années 80 que le peuple mélanésien gagne quelques batailles pour faire accepter sa légitimité, telles que la création du Front de Libération National Kanak Socialiste (FLNKS) en vue du boycott des élections présidentielles de l’époque (1984), les Accords de Matignon(1988) créés suite au drame de l’enlèvement et de la séquestration de 27 gendarmes dans la grotte d’Ouvéa par les militants FLNKS. La libération des otages par les forces de l’ordre fera 21 morts, 2 militaires et 19 Kanak et aboutira à un appel au calme, à la prise en compte de l’identité Kanak et à l’émancipation calédonienne. L’accord d’Oudinot signé le 20 août 1988 introduit la notion de rééquilibrage entre les Kanak et les autres communautés, entre Nouméa et le reste de l’archipel et enfin entre les trois provinces que comptent. S’en suivra, à la demande de Jean Tjibaou, chef indépendantiste kanak, la création de  l’Agence de développement de la culture kanak (ADCK), « établissement public d’Etat, qui avait pour missions initiales de valoriser le patrimoine archéologique et linguistique kanak, d’encourager les formes contemporaines d’expression de la culture Kanak »selon le site dédié à l’agence. Et en 1998, Jean Tjibaou contribue au projet de la création d’un centre culturel dédié aux Kanak qui porte son nom. Les dix hauts bâtiments du Centre culturel Tjibaou reprennent d’une matière stylisée la forme des cases traditionnelles Kanak. Ce centre est aujourd’hui un musée, une médiathèque et même un palais des Congrès.

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Par Dolorès Bakela

Édition : ROOTS n°7