FIMA 2018 : Les moments forts du plus grand festival de mode panafricain

Le Festival International de la Mode Africaine, FIMA pour les intimes, est devenu La Mecque des créateurs de mode du continent mère. Les plus grands y ont défilé (de Kenzo à Jean-Paul Gautier), beaucoup y ont amorcé leur carrière (d’Adama Paris à Elie Kuame) et que dire de l’effet de projecteur sans commune mesure sur des pays que l’on ne soupçonnait pas d’abriter des talents de couture.

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Le concept est aussi simple que féérique : organiser une semaine de la mode dans le désert du Sahara, au Niger, dans le pays natal d’Alphadi. Alphadi, métisse du Mali, du Niger et d’Algérie, est un visionnaire panafricain qui a compris avant tous la nécessité de promouvoir la mode africaine à une échelle internationale. En 2013, ROOTS devenait partenaire pour la première fois de cet événement de prestige, clôturé par un défilé de gala où étaient présentes les premières dames du Niger, du Mali et du Burkina Faso… Rien que ça. Car dans la team Alphadi, on sait faire les choses en grand et, pour ce 20ème anniversaire, le FIMA aura répondu à toutes les attentes. Jusqu’à présent, le Prince du désert (surnom affublé au fondateur) n’avait pas voulu franchir les frontières de son pays, l’idée étant justement d’amener l’Afrique à Niamey (la capitale) ou Agadez (la porte du désert) afin de redorer le blason d’un pays aux indices économiques catastrophiques. Cette fois-ci, changement de programme avec une édition exclusive ayant eu lieu au Maroc, sous le haut-patronage du Roi Mohammed VI. Dahkla, à 3 heures de Casablanca et à quelques encablures du Sahara Occidental, s’est transformé en lieu de villégiature pour cette 20ème édition.

La presse internationale, des mannequins venant de tout le continent et un gratin de personnalités ont répondu présents. On pourra notamment citer la top-model Noémie Lenoir, l’acteur Gary Dourdan, Asalfo du groupe Magic System ou encore madame Georgette Eto’o (épouse du Lion indomptable)…

LES DÉFILÉS

Jour 1 : Les nouveaux talents

Le premier jour de défilé avait pour but de présenter les talents de demain, avec un concours récompensant le meilleur jeune créateur, le meilleur maroquinier et les meilleurs espoirs mannequins homme et femme. Une première soirée au  spectacle intéressant, quoiqu’inégal. Les niveaux entre les différents rookies de la mode étant trop disparates, il était compliqué de se faire un avis tranché. Mais au milieu de toutes ces performances, quelqu’un va sortir du lot et magnifier l’ensemble: Nadeen Mateki, originaire du Congo. Je vous le concède, Nadeen n’est pas une petite nouvelle, c’est même l’une des baronnes de la coiffure africaine à Paris… Mais croyez-moi sur parole, elle nous a offert un show qui a mis le feu au runway, avec une scénographie façon « Reines d’Afrique » absolument grandiose !

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Ce fut LA standing ovation de ce jour 1 des défilés. Au rayon récompenses, c’est le designer marocain Youssef Drissi qui a raflé la mise du meilleur jeune créateur. Il a été récompensé de 35.000 dirhams alloués par le FIMA et l’OCP, en plus d’une bourse d’une valeur de 500 euros comme aide à la création, et d’une résidence d’artistes de quatre mois à l’Université internationale de Rabat, offerte par l’agence marocaine de coopération internationale. En lisse face à 16 autres stylistes, il se place devant l’Ivoirien Kevin Santony et le Burkinabé Black qui complètent le podium.

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Jour 2 : Le défilé Panafricain

Le niveau s’élève et c’est l’occasion pour certains créateurs d’envoyer un uppercut au menton des convives ébahis. Mention spéciale pour 3 designers.

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Tout d’abord, la marque Bull Doff, un couple de créateurs du Sénégal, et Hamza Guelmouss, lauréat marocain du concours des jeunes créateurs lors du précédent FIMA 2016. Chacun à leur manière, ils ont électrisé la salle avec deux défilés sur des musiques très futuristes, avec des looks all black, dignes des plus grands Marvel, nous plongeant tout droit dans Gotham CIty. Deux passages remarquables et remarqués ! On retiendra également la belle performance de la Béninoise Sonia Damala, lauréate pour sa part du FIMA 2013, qui confirme son bel envol dans le secteur de la mode africaine.

Mais en ce jour 2, la palme revient à Alia Bare qui aura ému et donné la chaire de poule à toute l’assemblée.

Alia Bare, c’est la chouchou d’Alphadi et on comprend pourquoi si on s’arrête deux minutes sur l’histoire les reliant. Alia est la fille de l’ancien Président du Niger Ibrahim Baré Maïnassara, abattu à bord de son avion lors du coup d’Etat de 1999. Un président qui fut le premier à soutenir le FIMA et à croire en Alphadi, dès sa première édition en 1998. La belle créatrice a alors profité de ce défilé pour rendre un vibrant hommage, 20 ans après, à son défunt père. Le thème de sa collection ? Le rouge et noir, couleurs du sang et du deuil. Des lignes, des dessins, des matériaux d’une élégance rare, aussi bien pour l’homme que pour la femme. Le tout sur la bande son du film Gladiator… Émotion assurée. L’intensité atteignit son pic lorsque la créatrice monta sur le

podium, emboitant le pas de ses mannequins, avant de s’écrouler en larmes dans les bras de « tonton » Alphadi. Le FIMA, c’est aussi cela : de l’humanité, des destins croisés et de belles histoires.

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Assurément, mon coup de coeur de la semaine, après le coup d’éclat de la veille signé Mateky.

Jour 3 : Défilés des 5 continents

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Place au grand soir, avec les pontes de la mode africaine pour la clôture de cette édition marocaine du FIMA 2018. Un dernier grand moment au nom évocateur : le défilé des 5 continents. On y retrouve évidemment le maître des lieux, Alphadi, pour une collection qui respire le désert à plein poumon, élégante et intemporelle, incroyablement ancrée dans ses racines du Niger et du Mali, avec du bogolan par-ci, des couleurs sable par-là. Un show tonitruant conclu par la mannequin guest star de ce FIMA: la sublimissime Noémie Lenoir, dont le poids des années ne semble avoir aucune emprise. Rayonnante en reine du désert, elle a mis un point final à cette semaine de la mode africaine, au bras de celui qu’on ne présente plus. Hormis tonton Alphadi, on notera la collection toute en couleurs et délicatesse de l’inamovible Pathé’O. Mais comment ne pas mentionner également la ligne présentée par le Marocain Karim Tassi.

FIMA 2018- soirée de cloture - KARIM TASSI (15)

Un 20/20 en termes de bon goût, une collection se jouant avec maestria du bleu royal, pour des coupes littéralement princières ! Il serait trop long d’énumérer l’ensemble des créateurs présents pendant cette semaine de folie, j’ai donc essayé de vous transmettre mes principaux coups de cœur, ceux qui ont déclenché en moi ce petit quelque chose en plus. Mais une chose est sûre : le FIMA 2018 était THE place to be pour cette fin d’année 2018 et nous sommes impatients de retrouver le Niger, dans 2 ans, pour le retour au bercail.

FIMA 2018- soirée de cloture - KARIM TASSI (10)

Par Michael Kamdem

Éditions ROOTS 21 & 22 : Spécial Mandé & Djolof