CRÉOLE, PLUS QU’UNE LANGUE, UNE IDENTITÉ

Le créole est en train d’acquérir ces lettres de noblesses. Il est rentré à l’école et dans les universités ; Il a pris sa place aux cotés des langues vivantes européennes. Le créole est indissociable d’une identité en perpétuelle movement, celle des afrosdescendants déportés dans la Caraïbe. Quand on étudie le créole, on pénètre un univers où beaucoup de questions, tant au niveau linguistique qu’au niveau identitaire, sont encore en attente de réponse. Cet article se propose de susciter des interrogations et d’apporter des éléments de réponse. Il n’a donc pas la prétention d’être exhaustif.

Le créole, une langue africaine ou un français régional ?

Cette question peut apparaitre surprenante car dans l’inconscient collectif le créole est perçu comme une variation du français, un patois, un parlé « petit nègre ».

Aujourd’hui, les linguistes, quelque soit le créole que l’on étudie, s’accordent à dire que  la structure de la langue est une structure d’origine africaine (grammaire, syntaxe conjugaisons, marqueurs de temps,etc.).

La majorité des verbes trouvent leur source lexicale dans la langue du colon. Le champ lexical africain ou amérindien caraïbe est utilisé majoritairement pour désigner la faune et la flore.

La quasi-totalité des onomatopées est d’origine africaine. Les indiens caraïbes accueillaient les esclaves en fuite, on peut supposer que les apports des langues caraïbes au créole résultent de ces rencontres. Les africains déportés ont pioché dans ce vocabulaire qu’ils ont agencé selon la syntaxe, la structure et la phonologie de leurs langues d’origine.

En d’autre terme, le créole n’est pas du français « petit nègre », mais bien une langue « nouvelle ». L’apport des langues africaines dans la construction des langues créoles témoignent de la résistance culturelle des afros-descendants dans la Caraïbe.

Le créole, c’est la langue de l’esclavage. 

Les créoles se créent dans le contexte de la traite négrière. Le créole est la langue de l’esclavage. L’économie plantationnaire, tout comme l’économie coloniale a établit une hiérarchie entre les peuples, les langues et les cultures. Dans beaucoup d’ex-colonies, maitriser le français c’est être éduqué. C’est la langue de l’école, de l’université, des institutions et de l’administration. La langue créole est une langue maternelle, rattachée le plus souvent au folklore et au divertissement, une langue qui se pratique dans tout ce qui est non officiel. La maitrise de la langue française va généralement de pair avec l’ascension sociale. A noté que dans les Antilles «françaises», les syndicalistes s’expriment généralement  en créole lors des conflits sociaux. Cette lutte des classes se confond avec une lutte «raciale» puisque ces conflits opposent généralement des patrons békés (descendants d’esclavagistes) à des salariés afrodescendants.

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Créole une langue à part ou une langue à part entière?

Le créole est d’abord une langue orale. Paradoxalement, c’est par l’écrit qu’il acquiert sa légitimité. La littérature en créole s’est véritablement développée dans les années 70. Les guerres de libération anti-coloniale ont alimenté dans les Antilles francophones un sentiment nationaliste. Le créole est défini comme la langue du peuple, la langue nationale, par opposition au français qui est la langue de l’oppresseur.

Les langue créoles portent en elles des racines multiples à l’image des peuples créolophones. La reconnaissance du créole comme une langue à part entière est le résultat de luttes portées par des intellectuels et des écrivains dont certains s’inscrivent dans le mouvement de la créolité.

Paradoxalement, ces auteurs s’adressent majoritairement au monde en français même s’ils intègrent des éléments créolophones dans leurs oeuvres. La production d’oeuvre littéraire exclusivement créole reste marginale. Le passage de l’oralité du créole à son écriture n’est pas aisée et il existe peu de créolophones capables de lire ou d’écrire le créole.

Dans le contexte de la mondialisation, la culture créole est pressentie par ces intellectuels comme un modèle pour la construction d’une culture « universelle » ou culture « rhyzome ».

On passe de la négritude à l’antillanité, de la créolité au « tout monde ». Les cultures et les identités créoles se questionnent et se redéfinissent constamment.

Par Rara

Édition : ROOTS n°15