BILGUISSA DIALLO : Fondatrice de Nappy Queen

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?

Bilguissa Diallo, créatrice d’entreprise, auteure, ex-journaliste. Je suis née à Paris, mais toute ma famille vient de la région de Labé en Guinée. Depuis 6 ans, je développe Leydi Beauty qui est une société cosmétique qui produit des soins capillaires naturels sous la marque Nappy Queen, à destination des chevelures bouclées à crépues, frisées, défrisées et locksées. Le nom « leydi » signifie « terre » en pulaar, c’est un clin d’oeil à mes origines du Fouta-Djalon.

Vous avez toujours été « Nappy » ou bien vous avez embrassé le mouvement des années 2010 ?

Le cheveu dit quelque chose de votre identité et si l’on est à l’aise ou non avec la personne que l’on est. C’est d’ailleurs l’un de mes thèmes de prédilection en ce qui concerne l’écriture. C’est une réflexion qui mûrissait depuis longtemps et, au moment de la maternité, je me suis dit qu’il fallait passer par la case nappy pour être totalement en phase avec les valeurs auxquelles je crois. Conjointement, j’avais une réflexion sur ma vie professionnelle et mon envie ou non de continuer à faire du journalisme, à Paris, sur des problématiques qui ne m’intéressaient pas forcément. C’était en 2010, j’avais alors 35 ans. J’ai donc décidé d’être libre et de créer une marque.

Je voyais tous ces produits américains se développer et coûter extrêmement chers car ils étaient mal distribués en France. Je me suis dit : « Nous sommes en France, un pays phare dans les cosmétiques et je viens d’Afrique, où il y a des tas d’ingrédients naturels qui servent pour les cosmétiques, alors pourquoi ne pas allier tout cela et en faire une marque ? ».

Vous avez débuté au moment où il y avait un boom du retour au naturel chez la femme noire. Vous n’aviez pas peur qu’il s’agisse juste phénomène de mode ?

J’avais l’intime conviction que ce ne serait pas un épi phénomène, ayant moi-même été en presse professionnelle, notamment liée au bio. Je savais que c’était un mouvement qui allait s’encrer durablement. Cela allait de pair également avec la démocratisation d’internet, des blogs, des tutos coiffure et donc un meilleur accès à la connaissance. Cela a rendu les gens plus conscients.

Comment fait-on la transition du journalisme à la création d’entreprise ?

J’ai toujours été une tête brûlée. Depuis que j’ai commencé à travailler, j’ai toujours eu l’impression que je n’aurai pas un chemin linéaire. J’avais du mal avec le fait qu’on me mette sur des rails et qu’on me dise quoi faire et où aller. Finalement, mes 10 années dans le journalisme m’ont beaucoup servie car j’ai pu mettre à profit toutes les personnes que j’ai rencontré via mon métier afin de créer ma marque. Le puzzle s’est imbriqué tout seul en faisant jouer le carnet d’adresses que je m’étais constitué au gré de mes aventures professionnelles.

Nappy Queen est un nom très fort. De nombreuses marques se sont positionnées sur le créneau nappy. Comment faites-vous pour vous démarquer ? Qu’est-ce qui fait votre particularité ?

Je ne définis pas cela comme une particularité, mais notre force réside dans le fait de dire ce que l’on fait, de dire à qui on s’adresse, et de faire ce que l’on dit. Quant au terme “Nappy”, il définit le cœur de cible, mais nous ne sommes pas fermés. Une femme qui a les cheveux défrisés mais qui souhaite utiliser des produits naturels peut également se tourner vers nous. Je ne prétends pas faire mieux que tout le monde, mais quand je dis que les produits sont naturels, c’est parce qu’ils sont expertisés, faits par des laboratoires spécialistes dans le naturel et le bio. Il y a des marques qui se sont lancées en même temps que nous et qui font aussi bien, je pense aux Secrets de Loly, par exemple, mais chacun son ADN. Je suis quelqu’un qui va droit au but, j’essaye de faire une marque qui soit efficace, simple, où on ne passe pas 15 ans dans la salle de bain pour faire un soin X ou Y. L’idée est de répondre à un besoin qui existe et non pas créer un besoin dans le seul but de faire de l’argent.

Comment décririez-vous la femme Nappy Queen ? Quelle serait l’égérie parfaite si vous aviez un budget illimité ?

La femme Nappy Queen est la meilleure version de madame Tout-le-monde. C’est une personne qui a un cheveu allant d’ondulé à très crépu et qui a envie de se sentir belle telle qu’elle est. C’était une posture volontaire de prendre des femmes du quotidien comme égéries, afin que chacune puisse se reconnaître dans nos ambassadrices. L’idée est de montrer que la star, c’est vous. On ne cherche pas à vous faire devenir Solange Knowles ou Inna Modja.

Les femmes guinéennes, dans l’imaginaire collectif, sont reconnues comme étant parmi les plus belles d’Afrique. Quel est selon vous leur secret de beauté ? Ou bien est-ce seulement une légende urbaine ?

Je vous le confirme, ce n’est pas une légende urbaine. Mais il est important de préciser que la beauté des Guinéennes réside dans leur diversité. Même quand on prend ethnie par ethnie, il y a de tout. Dans l’imaginaire des gens, on associe la Guinéenne à la femme Peulh, on pense à une femme claire aux cheveux longs et traits fins. Pourtant, nombreuses sont celles, même parmi les Peulhs, qui ne correspondent pas à ces stéréotypes. Ceci étant dit, je trouve que les Guinéennes, de façon globale, sont très naturelles. Elles se maquillent peu, elles utilisent des produits comme le karité, la nourriture est saine, nous avons un sol qui est riche et tout cela participe à l’éclat des femmes Guinéennes.

Que représente la Guinée pour vous ?

Elle fait partie de mon ADN. Étant une fille d’opposant politique, j’y suis allée tardivement et c’est un pays que j’ai connu étant adulte. Mais, quand j’y ai mis les pieds pour la première fois, je me suis sentie chez moi, j’ai reconnu tout ce dont on m’avait parlé. Je suis très en lien avec ma famille restée là-bas, on parle pulaar à la maison, je connais notre histoire… J’ai l’habitude de dire que je suis 100% Française et 100% Guinéenne. Je ne donne le droit à quiconque de contester ces deux identités !

Si je vous dis le mot “Roots”, cela vous évoque quoi ?

Cela me fait penser à mon père et au Fouta-Djalon. Quand je crée Leydi Beauty, j’affirme mon africanité, j’en suis fière, et cela sans pour autant me fermer au monde ! Quand j’écris Guinée 22 novembre 70, c’est pour connaître nos racines et ne jamais oublier… Quand j’écris Diasporama, c’est pour étudier la diaspora… Mes racines ont été un fil conducteur et un moteur dans mon développement professionnel.

Édition ROOTS n°21 – Spécial Mandé