BAZARA’PAGNE, adoubée par la hype afro-parisienne

Contrôle d’identité s’il vous plait ?
Lodia Kouadro, j’ai 27 ans, je suis togolaise et suis la créatrice de la marque Bazara’pagne.

La genèse de la marque…
J’ai inventé le snood, l’écharpe en tube en wax. Le concept a bien pris et en deux mois, j’en ai vendu plus de 800 entre la France et la Belgique, après un shooting photo réalisé avec mes amis et posté sur les réseaux sociaux.
Je voulais rester dans le principe de la facilité à utiliser le pagne avec de l’accessoire. Au fur et à mesure, j’ai eu une envie de créer du vêtement sans avoir de restriction quelconque. Aujourd’hui, je m’écoute et je crée.

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Ces dernières années le wax a explosé, comment fais-tu la différence, quelle est l’identité de ta marque ?
Quand j’ai commencé j’étais assez jeune et rêveuse. J’ai commencé entre le Togo, le Bénin et le Ghana pour ma première collection. Il m’arrivait de faire ces 3 pays en une journée et j’avais plus d’une soixantaine d’artisans qui bossaient pour moi. L’idée était le commerce équitable et j’avais une certaine innocence due à ma jeunesse. L’objectif était de montrer notre savoir-faire artisanal. Aujourd’hui je suis toujours sur ce fil là. Le travail avec des artisans exclusivement togolais, et être capable de mettre mes créations à côté des grandes marques françaises sans avoir à rougir.

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Où puises-tu ton inspiration ?
Je regarde peu la télé, je ne lis pas les journaux, je ne suis plus sur Facebook. Je suis ma propre inspiration, j’essaye de m’écouter au maximum. J’essaye d’exploiter le pagne avec un œil différent, de le travailler comme s’il s’agissait d’une peinture.

Tu es originaire du Togo, le berceau des nana benz. Est-ce pour toi l’occasion de perpétuer cet héritage ?
Forcément ! Ma grand-mère est une nanabenz rebelle. À l’origine, les nanabenz faisaient leurs contrats avec les Hollandais puis revendaient le wax. Ma grand-mère a refusé et elle est allée confectionner ses propres pagnes au Bénin, Ghana, Togo, Nigéria. Une révolution pour l’époque ! Elle a proposé du pagne inédit et à petit prix et bien sûr je suis dans cette continuité là. Je suis née dedans, je jouais avec des balles de pagne quand j’étais enfant. Ma mère aussi qui vendait du pagne au grand marché, mes oncles, mes tantes… C’était une évidence.

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Que réponds-tu aux afrocentristes « pur jus » qui jugent aberrant d’exprimer son « africanité » à travers le pagne en disant que c’est un tissu qui ne « nous » appartient pas mais qui est hollandais ?
Effectivement à la base, cela ne vient pas de chez nous. Mais aujourd’hui cela fait plus de 100 ans qu’on se l’est approprié. Quoiqu’il en soit, je ne résume pas mon « africanitude » à travers le pagne. Ce serait tellement réducteur par rapport à tout ce que je suis. Je suis africaine dans beaucoup d’autres choses : la nourriture, les valeurs… Le pagne est quelque chose qui m’inspire. C’est une construction artistique et créative qui n’a rien à voir avec un côté combatif.

Tu as ouvert plusieurs pop-up stores, tu as participé au Who’s Next, chose rarissime dans l’univers des créateurs dits « afro » en France. Qu’est-ce qui a fait la différence dans ton cas ? Quel conseil donnerais-tu à un créateur qui se lancerait dans le milieu ?
Plein de gens font du pagne aujourd’hui. Il y a un côté opportuniste. Tout le monde se dit que c’est facile. Comme toute entreprise quand on crée, il faut prédéfinir les choses, : ta cible, ta vision, ta stratégie. Pour ma part je voulais m’internationaliser donc j’ai fait Who’s next, je fais des pop-up stores car je veux drainer encore plus de clientèle, etc. Il faut avoir une certaine gestion, organisation et de réels objectifs commerciaux à atteindre. Sans stratégie clairement définie, vous foncez dans le mur.

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Tu viens de sortir ta nouvelle collection, peux-tu nous en toucher un mot ?
Elle s’appelle EFLY EFYA. Cela signifie « les lignes » pour EFLY et «la royauté» pour EFYA. Cela veut donc dire les lignes royales. J’ai utilisé les lignes, celles des motifs kenté, un tissu utilisé par les rois au Ghana, au Togo, au Bénin. C’est une continuité de ma précédente collection DJIMÉ : « du fond de mon cœur », c’était la naissance.
Ma nouvelle collection est une affirmation d’une prestance royale et lorsque je décide de m’affirmer, je ne le fais pas à moitié.

Si je te dis le mot ROOTS, cela t’évoque quoi ?
La source. Mais aussi, et je sais que c’est très cliché : Bob Marley. C’est une grande source d’inspiration et une légende. Enfin, je pense au côté « amazone ». Je suis également d’origine béninoise et les célèbres amazones du Dahomey viennent de chez nous.

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Édition : ROOTS n°16