BADOU SAMBAGUÉ : Des terrains de foot au barreau de Paris

Contrôle d’identité s’il vous plait ?
Badou Sambagué, j’ai 31 ans. Je suis avocat au barreau de Paris, avocat également mandataire de sportif, c’est-à-dire que j’ai l’occasion de représenter des sportifs dans des négociations avec les clubs, le sponsoring, etc.
Au niveau de ma carrière, j’ai été joueur de football pendant une dizaine d’années. J’ai évolué en national en France et ai été international malien espoir des -23 ans, la génération qui s’était qualifiée pour les Jeux Olympiques d’Athènes en 2004.
Pendant cette activité de footballeur, j’étudiais mes cours de droit jusqu’à l’école d’avocat. J’ai eu cette possibilité de poursuivre mes études grâce à mes entraineurs qui me permettaient de me libérer certaines fois. Je suis diplômé en Master 2 droit des affaires, Master 2 en économie de la propriété intellectuelle et un DUE en droit du sport. Aujourd’hui, mon activité est surtout une activité juridique et de conseils auprès des sportifs et des clubs.

Étant joueur, ne passais-tu pas pour un extraterrestre qui a la fois fait du sport et du droit, quand on connaît tous les a priori qui peuvent exister autour d’un footballeur ?
C’est vrai que très souvent, lorsque j’explique mon cursus avant de devenir avocat, on me renvoie : « oh enfin un joueur intelligent ! ». Je leur fais alors comprendre que majoritairement les joueurs sont très intelligents, le seul problème est qu’on ne leur donne pas l’occasion de faire ce double cursus et on leur demande très tôt de trancher entre les études et le football. Je me rappelle, lorsque je sortais des entrainements et que dans la voiture du retour j’étais à l’arrière avec mon bouquin de droit, on me regardait de façon étrange. Pour anecdote, j’ai passé mon examen d’avocat un lundi, alors que le dimanche je rentrais par avion d’un déplacement à Bastia avec mon équipe.

Tu as poursuivi tes études étant footballeur parce que tu te disais que l’avenir pourrait être incertain ou était-ce une réelle envie dès le départ ?
Au départ c’était imposé, car mon frère m’a fait comprendre que je ne pouvais pas me consacrer qu’au football. Au début, je le prenais assez mal mais en grandissant on devient raisonnable et on a une meilleure perception des choses. On sait que tout peut s’arrêter très vite dans le foot. Moi j’ai eu de la chance de connaître des joueurs qui ont joué en amateur avec moi et sont devenus professionnels mais aussi d’autres qui étaient en centres de formation et ont échoué. Je ne pouvais donc pas dire que je n’étais pas averti puisque j’avais eu face à moi tous les cas de figure possibles. D’ailleurs, je me suis blessé le 17 août 2011 et j’ai très vite vu que le retour allait être très difficile.

Quel est ton quotidien désormais ?
Il se partage entre 3 grosses activités. Une première qui est pour moi essentielle : l’enseignement. J’enseigne donc le droit du sport, le droit à l’image et le droit des sociétés au sein de différentes structures. Tout d’abord en école de commerce au sein de Sport Management School qui est une école qui a pour but de former des personnes qui visent à intervenir dans le domaine du sport de manière générale, également à Paris 1 à la Sorbonne où j’ai été diplômé et j’interviens dans le master 2 droit du sport où je dispense des cours de droit du sport de manière générale mais également de droit à l’image et enfin au sein de l’école des agents sportifs l’EAJF où je suis chargé d’enseignement pour le droit des sociétés et droit à l’image auprès d’aspirants agents sportifs. On essaye au travers de ces modules de leur faire comprendre que le métier d’agent doit tenir compte d’une certaine déontologie, on doit avoir certaines pratiques de nature à ne pas décrier la profession plus qu’elle ne l’est déjà aujourd’hui. On a donc un rôle qui ne s’arrête pas seulement à l’enseignement, mais qui est aussi celui de transmettre certains principes lorsque l’on rentre dans la profession d’agent.
Les deux autres sont l’activité d’avocat au barreau de Paris et de conseiller auprès de sportifs de haut niveau.

Peux-tu nous citer quelques profils prestigieux dont tu t’occupes ?
Aujourd’hui, lorsqu’un avocat cite ses clients, c’est parce que ces derniers l’ont autorisé. En général j’ai l’autorisation de mes clients quand je suis récemment intervenu pour eux ou parce que c’est un plaisir d’intervenir pour eux. Je peux citer Georges Wéah pour qui j’interviens régulièrement ainsi que son fils qui vient de signer chez les jeunes du PSG. Également, Riyad Mahrez international algérien et révélation du championnat anglais. Je peux parler aussi de plus jeunes joueurs en cours d’éclosion comme Ousmane Dembele, d’origine sénégalaise mauritanienne, mais aussi Arnaud Louzamba originaire de RDC. Nous avons aussi des sportifs hors football, comme Esteban Ocon venant du sport automobile et qui vient de signer chez Mercedes en tant que 3ème pilote derrière Hamilton et Roseberg.

DIONYSIES 2014

Quelle est ta vision sur le long terme ?
Ce serait difficile de se projeter mais on a toujours un idéal. Quand j’ai débuté mes études d’avocat j’avais l’envie secrète de changer des choses dans le football. L’accompagnement des jeunes talents est un de mes objectifs. Les aider à évoluer dans ce monde professionnel et éventuellement, s’il y a échec, leur donner la possibilité d’une reconversion par le sport afin de leur permettre d’entrer dans la vie active en étant de véritables hommes. L’objectif sur le long terme est que les sportifs s’inscrivent dans un projet global.

As-tu conscience de faire figure d’exemple pour les plus jeunes ?
Mon message se veut optimiste. Très souvent on me dit que j’ai « un parcours brillant » et j’ai envie de rétorquer que « le meilleur est à venir ». Les meilleurs sont juste-là, je suis derrière eux. J’appelle tout le monde à la modestie, à avoir cette volonté d’aider les autres, à ouvrir ses réseaux. Quelque soit le grade ou niveau d’étude que l’on a, on doit se sentir utile à l’autre.

Quel est ton moteur dans la vie ?
L’image de mes parents. Je me dis qu’ils ont quitté leur pays, ont tout laissé derrière eux pour venir réussir quelque chose pour leurs enfants, et non pour eux. Je me dis que vis à vis des engagements et sacrifices faits par nos parents, on se doit de réussir.

Si je te dis le mot « ROOTS », cela t’évoque quoi ?
ROOTS résume cette volonté de montrer l’Afrique et la diversité autrement, montrer ces personnes qui se battent pour que les choses avancent.

Édition : ROOTS n°16